« Livre protéiforme à l’arborescence aussi indéterminée et véloce que l’existence elle-même, Mère d’invention emprunte au genre de la creative non fiction tout en s’en démarquant grâce à une démarche d’écriture totalement transparente qui réussit le pari fécond de faire cohabiter 3 types d’engendrement: la thèse, le roman, la procréation. Clara Dupuis-Morency rend compte, nantie d’une intelligence et d’une spontanéité non télégraphiée, de la profusion d’expériences qui la traversent et des liens irréductibles entre une série de phénomènes centripètes qui impliquent toujours le corps et l’esprit. C’est l’incertitude qui est chorégraphiée ici et qui, d’une certaine manière, nous apprend ce que signifie réellement d’être lecteur. » Olivier Boisvert, Librairie Gallimard, Montréal, décembre 2018.
Extrait
Je ne veux pas être une mère qui est toujours dans ses livres, je veux être interrompue, je veux pouvoir être dérangée, je ne veux pas qu’ un enfant sente qu’ il vit dans un ordre inférieur de réalité, que sa vie est contingente. Je veux qu’ il se sente souverain, qu’ il soit impérieux, qu’ il soit insupportable. Je veux que ce soit l’ écriture qui ressente les secousses du quotidien, les dérangements, la maladie, les caprices, je veux que l’ écriture soit insomniaque, dépassée par la vie, qu’ elle en souffre, et qu’ on le sente, qu’ on se dise : clairement, elle n’ arrive pas à gérer, c’ est trop pour elle, ça se voit que tout ça est au-dessus de ses forces, qu’ elle concilie mal le travail et la famille, toujours en retard, décalée, c’ est agaçant, à l’ arrache, sur le bord d’ une table, entre deux boires ou deux repas, dans un interstice de l’ existence, c’ est l’ écriture qui finit par en souffrir, fatiguée, exténuée, on sent qu’ il ne reste pour écrire qu’ un zombie, une volonté exsangue, c’ est instable, et c’ est ça que je veux, qu’ on dise que c’ est bâclé et, pourtant, qu’ on n’ arrête pas de lire […].
L’autrice
Clara Dupuis-Morency est née à Québec en 1986. Elle a fait des études de lettres, et a écrit une thèse de doctorat en littérature comparée sur Marcel Proust et W. G. Sebald. Elle enseigne occasionnellement la littérature en tant que chargée de cours. Elle fait partie du comité de rédaction de la revue Moebius depuis sa refonte en 2016, et a publié des textes dans des revues ou des cahiers littéraires (Cahiers littéraires Contre Jour, Revue Post Scriptum). Mère d’invention est son premier livre.