Fond d’œil décrit un monde qui s’éteint. Au travers de visions fantastiques où toutes les couleurs explosent et disparaissent dans le noir. Dans la veine des triptyques de Jérôme Bosch, de l’art de rue et du spoken word, cette écriture ouverte au regard remue les entrailles et érafle les murs. Au-delà du geste esthétique et politique, c’est un cri primal de femme qui tonne.
Caroline Cranskens écrit pour sortir de l’ombre et prendre corps. Pour « en finir avec le miroir blanc ». Elle se confronte à la langue, à ses lois et à ses geôliers. D’abord en dévissant les « mots morts ». Ensuite en se réappropriant les sons et les lettres. En laissant vivre, enfin, une langue viscérale, une langue rasoir, une langue barbare. L’autrice creuse le socle déjà fendu du langage du pouvoir et de l’ordre, masculin et sécuritaire. Dans les failles, elle injecte les « mots fureur » d’une poésie rageuse et libre où « tout est plus au bord ».