L’Origine du monde de Gustave Courbet lève le voile sur ce qui était resté caché et muet jusqu’alors. Par cette œuvre audacieuse et radicale, le peintre dégage le corps d’un ordre biologique, social et culturel écrasant. Il consacre le sexe féminin en pleine lumière, celle née des longs voyages et des courses du désir. Il déchire ainsi le rideau d’un réel anatomique, emportant le spectateur dans un espace et des tonalités originaires toujours en mouvement. L’œuvre est si palpable qu’elle dit à la fois la vérité du corps et celle de la peinture. Mais comment penser pouvoir entrer dans ce réel si ce n’est en suivant les reliefs, les courbes et les clairs-obscurs du tableau ; si ce n’est en se laissant envahir par le souffle haletant de l’œuvre, tout en consentant à ne pouvoir appréhender que par fragments, que par instants de clarté, ce corps réaliste qui est là si présent et déjà dans un recul infini ? Se trouver seule face à L’Origine du monde, c’est l’expérience que Christine Durif-Bruckert éprouve ici dans une langue qui se heurte à l’indicible, cherchant à saisir, entre voie poétique et approche phénoménologique, le va-et-vient inexorable d’une question sans réponse. Celle que nous pose l’intimité nouée au désir.