En coulisses avec Sébastien Naert

En coulisses avec Sébastien Naert des éditions Téètras Magic

Comment vous est venu l’idée de travailler dans l’édition ? Avez-vous toujours eu envie de travailler dans ce domaine ? Pourquoi avoir créé votre propre maison d’édition ?

 

 

Lorsque j’étais plus jeune, j’avais envie de raconter des histoires, je dessinais, j’écrivais des histoires donc je me suis petit à petit dirigé vers le format livre. Ensuite pourquoi créer une maison d’édition, parce que c’est le côté liberté par rapport aux projets éditoriaux. Le chemin pour un auteur/illustrateur, ça dépend évidemment, mais c’est vrai qu’on met souvent entre deux, trois, quatre ans pour faire un livre. Moi je viens du milieu alternatif : j’ai commencé par le milieu alternatif et j’ai travaillé pour le milieu institutionnel. Et c’est vrai que dans ce dernier, il y avait ce côté manque de réactivité par rapport aux projets qui me pénalisaient un petit peu. C’est à la création d’une exposition où il y avait plusieurs portes d’entrées : un spectacle, un livre, une exposition et où il fallait une structure éditoriale pour porter ce projet que j’ai créé la maison d’édition.  

 

Quelle est la ligne éditoriale de votre maison d’édition et comment celle-ci se démarque-t-elle ?

 

La ligne éditoriale du Téètras Magic… c’est toujours assez intéressant d’en parler parce que c’est vrai qu’on se rejoint avec Amandine des éditions Vous êtes ici et Cyprienne des éditions Obriart avec qui on en avait parlé justement, c’est que cela a trait pas mal à nos personnalités. C’est-à-dire qu’on essaye toujours de se définir des lignes éditoriales et finalement c’est nos sensibilités artistiques au-delà des grandes thématiques qu’on souhaite aborder. Ce qui transpire dans nos éditions, c’est nos personnalités. J’ai déjà croisé des éditeurs, ils commencent à me connaître et ils me disent qu’ils me retrouvent dans ma maison d’édition. Sinon, la ligne éditoriale au départ c’est vraiment le texte-image, le livre illustré. Et aussi expérimenter autour de ce processus. Après, les thématiques c’est suivant ce qu’on rencontre comme projets, ce qu’on a envie de raconter. Mais on reste ouvert aux thématiques : on a pas forcément envie de s’enfermer dans quelque chose.

 

Ce qui revient très souvent c’est en terme de format, en terme de présentation aussi. On est sur de la micro-édition faite à la main. Il y a ce côté artisanal qui est mis en avant et qui est apprécié par le public. Et puis, pour connaître un peu la politique de certaines maisons d’éditions, certains projets seraient d’avantages aseptisés chez d’autres éditeurs. Et au lieu de formater l’édition nous on laisse cette part de liberté et cette envie de montrer des images un peu différentes. Parce que c’est aussi ça l’édition indépendante : d’essayer d’apporter quelque chose de différent.

« On est sur de la micro-édition faite à la main. Il y a ce côté artisanal qui est mis en avant et qui est apprécié par le public. »

Quel livre avez-vous préféré éditer ?

 

 

Il n’y a pas forcément de livres préférés, moi ce que j’aime bien c’est les aventures qu’on vit avec ces livres-là. Comme on les fabrique à la main, il y a tout le processus : déjà la rencontre avec l’auteur·ice et/ou illustrateur·ice et puis après le montage du projet et enfin la rencontre avec le public, qui se fait ou pas d’ailleurs. Et ça des fois c’est un peu frustrant dans certains projets : on se dit que celui là va rencontrer le public et finalement non parce qu’il n’est pas au sorti au bon moment ou qu’il n’a pas été réfléchi suffisamment ou bien il n’a pas le bon format, ça peut arriver. C’est ce qui fait aussi la beauté de l’édition. Et puis à l’inverse, il y a des albums qu’on fait et qui ont un succès inespéré sans qu’on ait forcément senti la chose et ça c’est d’autant plus gratifiant. On suit vraiment tous les projets de A à Z, mais c’est vrai que sur le moment c’est toujours le dernier sorti qui est notre préféré dans l’aventure.

 

 

Quelle est votre dernière sortie ?

 

 

La dernière sortie c’est Les voyages d’Angelo 2 et c’était au mois de décembre 2023. Pour une aventure extraordinaire : c’est une aventure extraordinaire, on peut dire que  le mot n’est pas galvaudé. Les voyages d’Angelo, c’était au moment du premier confinement. J’ai un ami animateur en ehpad qui a jeté une bouteille à la mer parce qu’il était enfermé avec les personnes âgées. Je lui ai proposé de faire une correspondance dessinée : au départ c’était juste moi qui envoyait un dessin et de son côté il montrait aux personnes âgées et observait comment elles réagissaient. Et puis au bout de 15 jours on était en train de faire une bande dessinée. Ça a duré tout le temps du confinement et ça a donné un album qui est une aventure vraiment très intéressante. Au départ ça ne devait pas être un album et finalement ça a été édité. Il y a eu une exposition, on a eu un prix dans un salon européen de l’animation pour les personnes âgées et ça a même été jusqu’à l’Élysée puisque Emmanuel Macron nous a félicité. On a reçu également un joli courrier de la ministre de la culture de l’époque Roselyne Bachelot, elle a fait un retour commenté de l’album. Et donc, on en vient aux Voyages d’Angelo 2 puisqu’on a réussi à avoir un nouveau financement pour ce deuxième album, ça s’est passé au mois d’octobre 2023. C’était une deuxième aventure totalement neuve parce que là je pouvais aller dans l’EHPAD et on a fait des ateliers d’écritures avec tou·te·s les résident·s : il y en avait 40, plus les familles quand elles étaient là et les accompagnant·es qui ont tou·te·s participé. Ça, c’est ce que j’aime bien : les aventures comme ça qui se créent sans arrières pensées.

« Je lui ai proposé de faire une correspondance dessinée : au départ c’était juste moi qui envoyait un dessin et de son côté il montrait aux personnes âgées et observait comment elles réagissaient. »

Et vos prochaines parutions ?

 

 

Il y a plusieurs parutions sur le feu. Là, on travaille avec Zéphyr, c’est un jeune illustrateur qui sort d’école, qui fait un très chouette travail et on espère l’éditer au mois de septembre. On a aussi un projet avec une autre illustratrice et qui, on espère, sortira d’ici juin. Et après, je vais faire plaisir aux fans de Fritosaure parce que je suis en train de travailler sur non pas un mais deux nouveaux albums autour de l’univers des dinosaures et j’espère les sortir cette année. 

 

Après on a plein de projets satellitaires, on travaille dessus et on les sort quand ils sont au point, on ne se met pas de pression de calendrier. Lorsqu’on travaille sur un projet, on essaye vraiment de l’aboutir au mieux et une fois qu’il est paré on le sort. C’est ça qui est intéressant, je dirais, dans la structure que j’ai pu créer : c’est avoir ce luxe de pouvoir sortir le livre sans pression. Frédérique, qui est aujourd’hui en dédicaces à la Foire du livre de Bruxelles, son livre a pris 2 ans pour sortir. Elle avait besoin d’une certaine maturation, elle avait toutes ses idées mais elle n’arrivait pas à trouver l’accroche. A contrario de sa nouvelle série dont la première histoire est arrivée sur un salon du livre et 15 jours après il était sorti. Ça peut être très rapide comme très lent. Après évidemment on n’espère pas avoir de records en terme de longue sorties mais seul l’avenir nous le dira !

 

 

Quelle est votre dernière lecture ?

 

Un coup de cœur… alors il y en a plusieurs ! On va dire en livre d’images/ bande dessinée, il y a une maison d’édition que j’aime beaucoup qui s’appelle Revival qui réédite des auteurs oubliés. Et moi j’aime bien un dessinateur qui s’appelle Poirier qui a fait Supermatou et Horace, cheval de l’ouest. Pour les plus anciens ça vient de Pif gadget. Hélas, Poirier a disparu très jeune, au lieu de devenir un des grands de la bande dessinée il est tombé un peu dans l’oubli. Mais ils ont eu la bonne idée avec sa fille de rééditer de façon très jolie les albums et c’est super. Sinon en roman/nouvelles, mes derniers coups de cœur viennent des éditions Les ateliers Henry Dougier. C’est une collection où à chaque fois l’auteur s’empare d’une œuvre d’art et il la fait parler, à la fois pour raconter le sujet de l’œuvre d’art mais aussi raconter la vie de l’artiste. J’avais été voir l’exposition Garouste à Pompidou, j’étais donc tombé sur celui sur Gérard Garouste et j’avais trouvé ça formidable. Depuis… c’est une addiction. Dès que j’en vois un je l’achète. C’est une très chouette collection que je peux recommander sans problème et les yeux fermés. 

 

Propos recueillis en marge de la Foire du Livre de Bruxelles.