En coulisses avec Rémi Laverseyn et Romane Lambert

En coulisses avec Rémi Laverseyn et Romane Lambert

Comment vous est venu l’idée de travailler dans l’édition ? Avez-vous toujours eu envie de travailler dans ce domaine ? Pourquoi avoir créé votre propre maison d’édition ?

 

Rémi

 

C’est un peu compliqué parce que L’onde théâtrale a une particularité : c’est aussi une compagnie de théâtre. Nos créations passent d’abord par le plateau avant d’arriver au livre. Lorsque L’onde théâtrale est née, c’était pendant le deuxième confinement, ça ne devait pas du tout passer par le livre, ça devait passer par le médium de la radio : d’où L’onde théâtrale. La vie a fait que le partenariat avec la radio n’a pas pu être mené à son terme. On s’est retrouvé dans une impasse et en parlant avec mes auteur·ices, ils m’ont dit que ça pouvait être sympa d’en faire un livre. On a publié deux livres et on devait s’arrêter là, ça ne devait surtout pas être une collection. On a finalement décidé de rentrer dans le monde de l’édition. Comme on ne vient pas du tout de ce milieu là, on a fait appel à deux femmes extraordinaires : Céline Telliez et Valérie Dussart. Et c’est comme ça qu’est née la maison d’édition. 

 

Quelle est la ligne éditoriale de votre maison d’édition et comment celle-ci se démarque-t-elle ?

Rémi

Pour la ligne éditoriale, c’est un peu particulier parce que c’est un projet global où il y a différents médiums artistiques qui entrent en jeu. Ça passe d’abord par une création au plateau avant d’être publié. Donc l’originalité de notre maison d’édition c’est qu’à chaque fois on travaille avec des artistes différents autour de thématiques différentes mais en suivant toujours le même processus. C’est-à-dire celui de faire rencontrer l’artiste avec un groupe d’étudiant·e·s. À partir de cet échange là, il y a un texte qui naît, qui est travaillé pour la scène et aussi pour l’écrit. Puis, on intègre des illustrations. Le processus de création est aussi visible dans le livre puisqu’à chaque fois il y a un journal de bord qui est proposé par l’artiste et qui permet de comprendre tout le processus. L’ensemble de nos livres sont adaptés pour les dyslexiques et les malvoyant·s.

« L’onde théâtrale a une particularité : c’est aussi une compagnie de théâtre. Nos créations passent d’abord par le plateau avant d’arriver au livre. »

Quel livre avez-vous préféré éditer ?

Rémi

Je vais plutôt parler d’un projet, je ne parle vraiment pas de livre ou de qualité. Comme j’expliquais, un épisode c’est un artiste qui est amené à rencontrer des jeunes et trois comédien·nes de la compagnie de l’Onde théâtrale. L’objectif est d’écrire pour elleux et de le passer au plateau. J’ai particulièrement aimé celui-ci parce que c’était un challenge énorme pour moi surtout qu’à l’époque j’étais plus jeune – j’avais 25 ans. Il s’agissait de réaliser une création en Angleterre. On a emmené une dizaine de personnes en Angleterre. C’était un vrai challenge parce que c’est vrai qu’à 25 ans, se dire : je vais faire une création théâtrale multilingue – il y avait 13 nationalités au plateau – et le tout en une semaine, c’est énorme. Il y a eu de gros partenaires comme le Comité du Détroit qui est le regroupement des pays frontaliers autour de la Manche, on a aussi eu l’aide de la région du département : on a pu se structurer avec un budget intéressant grâce à eux. Pour moi, c’était vraiment ce projet qui était mon challenge.

 

Romane

 

C’est dur de choisir, mais c’est vrai que j’ai beaucoup aimé travailler autour du projet d’Aline Bernard parce qu’on promeut une nouvelle autrice. C’est ce qui constitue aussi un challenge et un parti pris : se dire qu’on va porter, accompagner une nouvelle figure sur la scène littéraire.

 

 

Quelle est votre dernière sortie ?

 

Rémi

 

Le tout dernier livre est sorti le 3 avril 2024 : c’est Les salopes ordinaires par Ovidie. C’est sur le slut-shaming* c’est notre épisode 9. 

 

*Néologisme composé des mots anglais slut (salope) et shame (honte) désigne le fait de critiquer, stigmatiser, culpabiliser ou encore déconsidérer toute femme dont l’attitude, le comportement ou l’aspect physique sont jugés provocants, trop sexuels ou immoraux.

 

Les salopes ordinaires prend place dans un décor de tribunal, là où les effets de manches et la rhétorique ampoulée sont de mises, là où les corps sont encostumés et où les joutes oratoires se mettent en scène, dans ce décorum suranné surgissent soudain, comme un gros mot, une obscénité, comme des trublions, des paroles à vif, crues, violentes et sincères qui disent la condition des femmes dans la vraie vie. Se côtoient à la barre la petite maman, l’avocate, la maîtresse et la madone, des  groupes de pipelettes, toutes pour témoigner d’une domination patriarcale encore à l’œuvre, insidieusement orchestrée par une société qui a du mal à lâcher ses mâles, frileuse et étriquée. Quelques voix d’homme se font entendre, filet de murmures de mauvaise foi au milieu du chœur de femmes que dirige majestueusement et malicieusement la salope revendiquée. Sans doute un procès où la misandrie s’impose quand il y a urgence à sauver le féminin !

«Les salopes ordinaires prend place dans un décor de tribunal, là où les effets de manches et la rhétorique ampoulée sont de mises, là où les corps sont encostumés et où les joutes oratoires se mettent en scène»

Et vos prochaines parutions ?

Rémi

Dans nos prochaines sorties, nous avons Les assoiffées par Anne Conti le 10 avril 2024. En mai nous avons Sir·Reine de Renata Carvalho. Et enfin, nous avons Ganache de Sylvain Levey. 

 

 

Quelle est votre dernière lecture ?

 

Rémi

 

Je dirais Les chevals morts d’Antoine Mouton paru aux éditions La Contre Allée. J’ai commencé avec ce livre-là et j’ai quasiment tout lu d’Antoine Mouton. Je suis tombé fou amoureux de cet auteur. Si je peux me projeter, voilà le genre d’auteur avec qui j’aimerais travailler. Je pense vraiment que c’est un des plus grands poètes français actuels et de loin. 

 

Romane

 

 

Je crois que la dernière lecture qui m’a vraiment frappé, c’était Cent ans de solitude par Gabriel García Márquez. Je l’ai relu deux fois, trois fois et à chaque fois je redécouvre des choses que je n’avais pas vu aux lectures précédentes.

 

Propos recueillis en marge de la Foire du Livre de Bruxelles.